Ancien Directeur Scientifique de Solvay, Patrick Maestro est impliqué dans l’aventure Carbon Waters depuis plusieurs années. Grâce à sa grande expérience et ses connaissances dans le secteur de la chimie et en particulier des polymères et composites, il accompagne aujourd’hui la société dans sa montée en puissance. Rencontre avec cet amoureux de la région bordelaise et passionné de chimie.
Vous avez un parcours 100% bordelais ?
Patrick Maestro : C’est exact pour la formation. J’ai étudié à l’Université de Bordeaux dans les années 1970 et ai rédigé deux thèses : une de troisième cycle et une thèse d’état. J’ai passé cinq ans dans le Laboratoire de Chimie du Solide (aujourd’hui l’ICMCB), où j’ai pu combiner la formation en physique et en chimie. A la fin de mes études, j’ai été embauché par Rhône-Poulenc, le plus grand groupe chimique et pharmaceutique de l’époque en France, qui avait subventionné ma thèse. Je suis parti à Aubervilliers, pour moi, c’était le grand départ dans le nord ! Là-bas, j’ai travaillé une vingtaine d’années en laboratoire de recherche.
Je suis revenu en région bordelaise il y a vingt ans car c’est ma région de cœur ! J’y ai créé le Laboratoire du Futur pour Rhodia, et développé beaucoup d’interactions avec les laboratoires académiques locaux, dont le CRPP, ce qui m’a amené à interagir avec Carbon Waters dès sa création. A titre personnel, je me suis installé à Lacanau au milieu de la forêt et près de l’eau. Et aujourd’hui j’en profite pleinement, étant à la retraite depuis quelques mois. Seuls les oiseaux qui entrent parfois par la baie vitrée du salon viennent déranger cette tranquillité (rires).
Chez Rhône-Poulenc, vous êtes passé de la Recherche en labo à la Direction Scientifique ?
PM : Oui, j’ai accédé à la Direction Scientifique de Rhône-Poulenc, puis de Rhodia lorsque la société s’est scindée en trois (Rhodia pour la branche chimique, Bayer pour l’Agrochimie, et Aventis (maintenant Sanofi) pour la branche pharmaceutique). Enfin, Solvay a racheté Rhodia en 2011, et je suis devenu Directeur Scientifique de Solvay.
C’est un poste que j’ai occupé pendant près de vingt ans, dans le développement des compétences scientifiques et technologiques nécessaires au développement de produits et de solutions utiles pour nos clients. Ceci est passé par la mise en place de nombreux partenariats à tous les niveaux. J’ai donc établi des partenariats avec le monde académique, dont le CNRS et des entités équivalentes dans le monde, avec de grands scientifiques étrangers, mais aussi avec des start-ups. J’étais en effet caution scientifique de Solvay pour son activité Solvay Ventures, qui consiste à évaluer la validité technique des projets dans les start-ups liées à la chimie.
Quel regard portez-vous sur votre carrière maintenant que vous avez pris votre retraite ?
PM : J’ai toujours vu mon travail comme un privilège et un amusement, les choses bougeaient en permanence. Je n’aurais jamais imaginé découvrir tant de choses et rencontrer tant de personnes extraordinaires et intéressantes. C’est l’avantage des métiers de recherche, on cherche à sortir des sentiers battus. C’est pourquoi je ne souhaitais pas complètement couper, même à la retraite, et me lancer dans le jardinage ou le bricolage par exemple, trop risqué pour mes proches et moi … (rires).
Aujourd’hui, je poursuis mon accompagnement auprès de certaines start-ups, je suis secrétaire général d’EuroCase, une association regroupant différentes académies des technologies européennes, mais aussi président d’Invest in Bordeaux depuis quelques semaines. Bref, je n’ai pas le temps de m’ennuyer et c’est ce que j’aime !
Quelle est votre histoire avec Carbon Waters ?
PM : Grâce à ma position de Directeur Scientifique chez Solvay, j’avais de très bonnes relations avec le CNRS. Je faisais partie du comité de prématuration, c’est-à-dire que nous validions les projets de laboratoires de recherche qui souhaitaient valoriser leur idée, après dépôt de brevet, par une cession de licence ou par la création d’une start-up.
C’est ainsi que j’ai assisté à la présentation du projet de Carlos Drummond et d’Alain Pénicaud pour leurs dispersions aqueuses de graphène. Le comité a approuvé le projet et j’en suis devenu le référent.
Qu’avez-vous personnellement pensé du projet ?
PM : J’ai trouvé cette idée remarquable ! Pour moi, il y avait un véritable potentiel, mais il fallait y apporter du soutien au niveau de sa réalité industrielle. D’une part, au niveau du procédé, car la vision était trop orientée laboratoire, pas assez industrialisation. Aujourd’hui, c’est Raymond Michel qui accompagne Carbon Waters sur ce sujet. D’autre part, il fallait se concentrer sur les secteurs et les domaines d’applications possibles pour les additifs Carbon Waters à base de graphène, et là pour le coup, c’est mon domaine de prédilection.
Un autre point que je souhaite souligner, c’est que si le projet Carbon Waters a bien fonctionné, c’est en partie je pense parce qu’Alain et Carlos ont su laisser la start-up se développer sans intervenir systématiquement à chaque prise de décision. Souvent, c’est compliqué pour les scientifiques à l’origine d’un projet de savoir s’en détacher. Ça n’a pas été le cas ici.
Aujourd’hui, en quoi consiste votre accompagnement auprès de Carbon Waters ?
PM : Aujourd’hui je fais partie du Conseil scientifique de Carbon Waters. J’apporte mon soutien scientifique et technologique, notamment pour tout ce qui concerne les applications dans les polymères et composites. J’accompagne également l’entreprise à travers des mises en relation grâce à mon réseau de contacts.
Vous êtes également à l’affiche d’INFINIMAT, pouvez-vous nous en dire plus ?
PM : Oui, je vais prochainement intervenir lors de l’édition INFINIMAT 2023 en animant une conférence autour du sujet : « Marché des polymères & composites : quelles opportunités pour le graphène ? ». L’idée sera de présenter aux industriels présents tous les avantages qu’apportent les formulations à base des graphènes de Carbon Waters dans ces matériaux. J’aborderai aussi les enjeux auxquels ils répondent (environnemental, économique, réglementaire, etc.), le tout en s’appuyant sur les principaux résultats obtenus en laboratoire. Par exemple, le graphène a d’excellentes propriétés anticorrosion et de renfort mécanique des polymères.
Et pour l’avenir, que souhaitez-vous à Carbon Waters ?
PM : J’imagine Carbon Waters comme LA société du graphène, grâce à sa technologie et ses produits uniques.
Aujourd’hui, la société arrive à une croisée des chemins. Elle commence à être reconnue, primée… C’est le moment où elle se doit d’être au rendez-vous de l’industrialisation. Je ne suis pas inquiet par rapport à la demande des clients, car les produits qui sortent du laboratoire sont performants, mais maintenant, le défi est de produire à l’échelle des tonnes ces dispersions, toujours avec la même qualité. Je souhaite à Carbon Waters de respecter son cahier des charges et ses délais car elle est vraiment dans la phase clé de son développement. Elle pourra toujours bien sûr compter sur mon accompagnement.